Les voisins invisibles ou l'art et la manière du voyeurisme auditif

Prince charmant et votre princesse torchonnée vivent dans le même palace taudis appart’ depuis quatre ans… Remarque, y a pas à se plaindre, notre chez nous est plutôt sympa et SURTOUT pas trop cher. Tu me diras que c’est un appart discount avec des murs discounts où on peut entendre jusqu’aux flatulences des voisins. Tu remarqueras, cher lecteur, comme je suis élégante et distinguée à employer un mot tout joli au lieu de parler comme dans ma vie genre larguer une caisse… Bon tu me diras j’aurais pu aussi employer les termes gaz, flatuosité, vent, ventosité… Là tu auras raison d’être admiratif de mon vaste vocabulaire !

Bref les murs  en questions sont donc aussi fins que les raisonnements de Paris Hilton.

La vie étant, comme vous le savez, cruelle et pleine d’un humour discutable, lorsque nous avons emménagé notre voisine, celle dont la hutte collait à la notre, était professeur de piano et de chant. Sache que j’aime la musique, vraiment, le piano particulièrement d’ailleurs, mais de musique il n’en était point question. En effet la brave voisine recevant ses élèves dans son salon, je profitais avec horreur de presque toutes les leçons qu’elle pouvait commettre. Oui mon vocabulaire précis comme toujours ne se fourvoie pas, je dis bien commettre comme dans commettre un crime atroce. Contre la musique. Contre mon équilibre psychologique.

Par une logique curieuse, voire incompréhensible, madame piano et chant n’avait que des débutants comme élèves. Pendant les trois ans où j’ai subi profité de ses leçons, pas une fois je n’ai entendu quelqu’un jouer correctement, ou chanter convenablement. Tu me diras, lecteur fidèle, il semble que pour les vocalises la voisine ne dépassait pas ses élèves. Pour preuve, les merveilleux solos du dimanche matin, qu’avec Prince Charmant on n’arrivait même plus à continuer à faire des cochonneries sexuelles tellement qu’on rigolait comme des volailles. Par sa faute on aurait pu d’ailleurs ne pas concevoir Petite Perle. Ce soir là, si elle avait chanté, tout aurait été perdu.

La voisine a déménagé. Son piano avec. Ses élèves l’ont peut-être suivi. Je ne sais pas. Un couple l’a remplacé. Un couple au calme trompeur. Un couple qui a bien failli me traumatiser. Mais ça, ami lecteur, je le garde pour une prochaine fois.